Petit bêtisier scientifique – Le marteau et la plume [1/7]

Gaston Bachelard disait que la vérité est presque toujours « une erreur rectifiée » et, modestement, j’adhère… Du moins, je pense que l’erreur, si elle n’est pas toujours nécessaire, s’intègre au moins naturellement au processus de qualification de « l’évident ».
Voilà mon sarcasme nuancé en bloc par anticipation, nous allons donc pouvoir maintenant nous amuser ensemble de ce que l’observation et la déduction scientifique ont pu accoucher de plus saugrenu.
Dans ce petit Best Of (très personnel) des plus ‘belles’ erreurs scientifiques, nous allons voir en 7 parties comment l’apprentissage et la déduction ont pu parfois malmener les plus grands esprits de ce monde.
Une façon ludique de s’intéresser au façonnage de la science à travers l’histoire.

Aujourd’hui, partie 1: Aristote et sa théorie sur la chute des corps.

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Le marteau tombe-t-il plus vite que la plume ?

Aristote, c’est un peu le Renaud Lavillenie de la méprise scientifique, il a mis la barre très haut et très tôt. Et si mon cœur avait su mieux flatter ma raison, j’aurais même pu faire un billet uniquement dédié aux boulettes erreurs scientifiques du philosophe tant l’homme a été généreux (génération spontanée, calcul du diamètre de la terre, thèse du géocentrisme,…).
Toutefois, de toutes ses bévues, j’ai choisi de ne garder que sa théorie sur la chute des corps car elle symbolise à mon sens, à elle seule, la rupture entre physique antique et physique moderne.
Dans ses écrits, Aristote explique qu’un corps tombe d’autant plus vite qu’il est lourd, la pomme lourde tombe donc plus vite que la pomme légère…
Et là, vous plongez en plein cœur de la méthode aristotélicienne… car en effet, les objets lourds chutent légèrement plus vite que les corps légers … dans l’air.
« Dans l’air », un détail insignifiant qui aurait pu faire passer la phrase d’Aristote du statut de « loi erronée » à celui « d’observation sommaire indéniable ».
Le procès peut vous paraître sévère, mais il faut bien comprendre que cette faute d’interprétation va nous priver de toute explication sur le mouvement des astres pendant presque 2000 ans…
Et il faudra attendre Galilée pour moucher l’antique philosophe avec une simple expérience de la pensée.

L’expérience de pensée de Galilée

Galilée dit:
Très bien, si un corps lourd chute plus vite qu’un corps léger, faisons l’expérience suivante: attachons à l’aide d’une ficelle une pierre lourde et une pomme légère, que nous dit alors la loi d’Aristote?

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  • Le système {pierre+pomme} est plus lourd que le système {pierre seule}. Notre couple {pierre+pomme} chutera donc plus rapidement que la pierre seule.
  • Toutefois, nous pouvons également tenir le raisonnement suivant: la pomme, plus légère, chute moins vite que la pierre. Durant la chute de notre système, la ficelle va donc se tendre, et la pomme plus légère ralentira la chute de la pierre par un effet parachute. Notre couple {pierre+pomme} chutera donc plus lentement que la pierre seule.

Et Galilée, par cette simple expérience de la pensée, démontre que la loi d’Aristote mène à des paradoxes insurmontables.
Pour résoudre ce problème, Galilée reprend alors tout de zéro et introduit une nouvelle force: les frottements de l’air.
Le mathématicien italien explique alors que les corps en chute libre sont bien soumis à la gravité mais que cette dernière agit indifféremment sur les corps lourds et légers, il poursuit alors son raisonnement et postule donc que les frottements de l’air ont des effets cinématiques moins importants sur les corps lourds.
Comment justifie-t-il son hypothèse ? (N’oubliez pas, Newton n’est pas encore passé par là et les lois mécaniques n’ont pas encore été formalisées)
Et bien, sa justification est encore une fois une expérience de pensée… il observe que dans l’eau, la différence de vitesse entre les objets lourds et légers en chute libre est plus importante que dans l’air.
En fait, il constate que plus le milieu offre une résistance de frottement importante, plus les objets lourds chutent plus rapidement que les objets légers.
Par un passage à la limite, s’appuyant sur une relative continuité de la nature, Galilée imagine alors que deux corps, quelque soient leurs masses, chutent à la même vitesse dans le vide.
Hypothèse validée expérimentalement après sa mort par son élève Torricelli dans un tube sous vide, puis un peu plus tard sur la lune par David Scott (voir vidéo plus haut).

Naissance de la science moderne

Ce qui va éclore ensuite de cette expérience de pensée dépasse sans doute l’individu… mais à partir de cette époque naît réellement la science moderne.
L’Homme prend alors réellement conscience de son incapacité à extraire une loi physique à partir de la seule observation d’un phénomène.
Dans une lettre à son ami Maurice Solovine, Einstein résumera sa vision de la démarche scientifique moderne dans un petit dessin.

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Einstein y explique la démarche empirique moderne comme un raisonnement déductif s’appuyant non sur l’observation mais sur une série d’axiomes très généraux qui, s’ils ne sont pas forcément déduits de l’observation (au sens Newtonien), se doivent toutefois de rester compatibles avec elle.

Références:
Qu’est ce qu’une « expérience de pensée »? – La conversation scientifique par Etienne Klein – France Culture
Discours concernant deux sciences nouvelles – Traduction de Maurice Clavelin
http://www.daniel-huilier.fr/Enseignement/Histoire_Sciences/extraitDiscoursGalilee.pdf

Crédits photo et vidéo:
Vidéo David Scott :
http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/alsj/a15/video15.html#closeout3
Dessin Einstein:
http://blogs.scientificamerican.com/

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