Au 19ème siècle, on s’emmêlait déjà un peu les pinceaux en sciences avec Kelvin, sa bande et leur délibération sur l’âge de la terre [voir le billet sur Kelvin et l’âge de la terre]. Mais au concours de celui qui se trompera le plus fort, un polytechnicien a, lui aussi, porté haut nos couleurs en 1860. Et si l’histoire n’en a gardé qu’un nom gravé sur le premier étage de la Tour Eiffel, l’homme disposait toutefois d’une certaine notoriété à l’époque. Urbain Le Verrier est en effet un des pères de la météorologie moderne et on lui devait déjà à cette époque la découverte de Neptune. Un joli CV qui le porta jusqu’à la découverte de Vulcain, une planète d’autant plus difficile à découvrir qu’elle n’a jamais existé.
Où était située Vulcain d’après Urbain?
Comment Urbain a-t-il pu découvrir une planète qui n’existe pas?
Il n’est pas toujours nécessaire de voir quelque-chose pour en prédire l’existence. Aussi, à la sortie du métro Bastille, pas besoin d’attendre de voir une cravate à rayure pour comprendre que le contre-flux pressé de fraudeurs révèle la présence attenante de contrôleurs.
En 1845, Urbain Le Verrier appliqua ce raisonnement pour prédire l’existence de Neptune, alors que personne ne l’avait encore observée [1]. A l’instar des personnes marchant à contre-sens dans les couloirs du métro, Urbain avait observé des perturbations sur la trajectoire d’Uranus. Ces perturbations pouvaient alors s’expliquer, par le calcul, par la présence d’un corps exerçant une force gravitationnelle sur Uranus: Neptune.
Quelle erreur Urbain a-t-il faite pour Vulcain?
Fort de la découverte de Neptune, Urbain récidiva avec l’orbite de Mercure, qui subissait, elle aussi, des perturbations. Pour être précis, son périhélie (sa position la plus proche du soleil au cours de son orbite) se déplaçait plus rapidement que prévu.
A priori, le déplacement du périhélie n’est pas quelque-chose d’étrange (on l’observe sur l’orbite de toutes les planètes) et si nous ne l’avons jamais étudié au lycée, c’est parce que nous avons toujours considéré des problèmes à deux corps (Soleil+planète), alors que les planètes s’attirent toutes les unes les autres (nous parlerons de tout ça dans un prochain billet sur le problème à trois corps et la plus belle erreur de Poincaré).
Le fait est que la mécanique Newtonienne prédit un déplacement du périhélie de Mercure un peu plus lent que celui observé (on parle d’une demie minute d’arc par siècle).
Pas de problème, Urbain déroule ses calculs et explique alors à la communauté scientifique que ce phénomène peut s’expliquer par la présence d’une nouvelle planète intra-mercurienne.
Problème, au cours des décennies qui suivirent, personne ne réussit à observer celle que l’on avait baptisée Vulcain…
Il faudra attendre plus d’un demi siècle pour qu’Einstein arrive avec sa théorie de la relativité générale et explique les irrégularités orbitales observées par la théorie Newtonienne: Vulcain n’était plus.
[1] En fait, ce n’est pas tout à fait vrai. L’histoire raconte qu’avant 1845, quelques scientifiques avaient déjà observé Neptune sans y prêter attention. Galilée himself, l’aurait d’ailleurs confondue avec une étoile lointaine.
Références:
http://www.le-systeme-solaire.net/vulcain.html
http://www.aim.ufr-physique.univ-paris7.fr/CHARNOZ/homepage/GRAVITATION/grav6.html